Vie au travail
Une entreprise sans patron, chez Loyco ça cartonne
Avez-vous envie de travailler pour une entreprise sans chef ? L’entreprise de services Loyco a supprimé sa hiérarchie pour miser sur l’intelligence collective. Pour y parvenir, elle s’inspire d’une nouvelle méthode de management venue des États-Unis: l’holacratie. Découvrez ici comment ça fonctionne.
Votre chef vous énerve? Vous estimez qu’il tarde àprendre les bonnes décisions? Chez Loyco, une petite entreprise de services née à Genève, les patrons appartiennent au passé. «Nous avons décidé de remettre les clefs de l’entreprise à nos collaborateurs, précise l’ex-CEO Christophe Barman. L’objectif de notre nouveau modèle d’organisation est de garantir la participation et la coordination, sans intégrer des structures hiérarchiques que nous jugeons destructrices pour l’esprit de l’entreprise.» Ce changement profond s’inspire du système de gouvernance américain Holacracy où l’intelligence collective remplace la structure hiérarchique traditionnelle. Une inspiration couplée à une personnalisation de la démarche. Au sein de Loyco, les employés sont des Loycomates et la méthode de management se nomme Loycocracy.
Meilleur engagement
Quels sont les bénéfices de cette nouvelle organisation? Christophe Barman n’hésite pas une seule seconde: «Nous sommes persuadés que les structures hiérarchiques traditionnelles ont un effet infantilisant sur les collaborateurs. Le contrôle et la concentration du pouvoir prennent ainsi le pas sur le libre arbitre et la responsabilisation. La Loycocracy les rend vraiment acteurs de leur carrière et de la valeur qu’ils apportent en leur redonnant le pouvoir. Cet état de fait génère plus de créativité et d’engagement. Il est de plus beaucoup plus compatible avec les nouvelles générations de talents qui s’accommodent très mal de la hiérarchie arbitraire.» En d’autres termes, plus d’autonomie, plus de motivation et moins de stress pour les collaborateurs.
Du travail et du fun
Cette volonté d’insuffler du sens au travail est née il y a six ans, lors de la création de Loyco. À cette époque-là, les fondateurs ont voulu redéfinir la notion de performance en se basant sur les trois «P» du développement durable: People, Planet et Profit. «Ces axes de performance ont fait de Loyco une entreprise très particulière où le plaisir des salariés et la poursuite de projets à impacts sociétaux et environnementaux prennent le pas sur la quête de rentabilité», note Gregory Chollet, ex-directeur marketing. «Cela nous a permis de faire des choses aussi enthousiasmantes que partir tous ensemble pendant quatre jours au Portugal, co-organiser un trail en montagne, nous engager pour le développement de la norme BCorp en Suisse ou passer des centaines d’heures à réaliser le film «Demain Genève», parce que cela faisait du sens pour nous. C’est extraordinaire!» Extraordinaire et efficace puisque la PME Loyco connaît un succès commercial inédit depuis son lancement en juillet 2013. Active dans l’externalisation des fonctions de support (RH, assurances, gestion des risques, finances, fiscalité et marketing), l’entreprise compte à ce jour quatre succursales à Genève, Lausanne, Sion et Zurich. Elle emploie plus de 90 personnes pour un chiffre d’affaires annuel dépassant les 12 millions de francs.
Employés convaincus
Une réussite qui devrait se poursuivre ces prochaines années, car un an après être entrés en Loycocracy, les employés jugent le bilan globalement positif. Même s’il comporte encore quelques ombres au tableau. Comme la difficulté à prendre des décisions courageuses, un manque de leadership de certains coordinateurs sur les équipes, une frustration liée à l’absence de moyens financiers pour mener les projets ou encore l’implication insuffisante de certains. Tout n’est donc pas idyllique. Mais, après une première période de flottement suite à l’implémentation de ce nouveau modèle, la majorité des Loycomates considèrent que l’entreprise se porte mieux maintenant. Et Christophe Barman de conclure: «La nature nous le rappelle pourtant tous les jours. Les organisations les plus complexes, agiles et résilientes sont basées sur l’intelligence collective. Des colonies de fourmis aux nuées d’oiseaux, les exemples de groupes autogérés pullulent dans notre belle nature. Trop occupé à lutter contre, l’homme semble avoir oublié de l’observer. Il y a pourtant tant à apprendre.»
Diriger différemment
Aujourd’hui, environ 300 entreprises dans le monde appliquent pleinement la méthode holacratique. En Suisse romande, les sociétés qui cherchent à appliquer cette gouvernance collective sont encore peu nombreuses. On peut citer l’agence de développement web Liip, l’entreprise de formation Réalise et la société de services Loyco. Même si l’holacratie est encore discrète sous nos latitudes, la tendance est en train de s’installer avec le souhait avoué de diriger différemment comme le relève Gérald Dehan, fondateur de l’entreprise de coaching Coopérance: «Aujourd’hui, environ 45% des sociétés fonctionnent sur un mode trop autoritaire. Les autres se cherchent. Il faudrait surtout remettre de l’humain au cœur de la structure.»